L’agriculture française, un des piliers historiques de notre économie nationale, repose sur le travail quotidien de plusieurs milliers d’hommes et de femmes qui cultivent nos régions, nos terres, élèvent une multitude d’animaux et contribuent au bien-être alimentaire de notre pays. Souvent méconnu, le rôle des femmes dans ce secteur est tout aussi essentiel que celui de leurs alter egos masculins. Dans un monde agricole souvent masculinisé, les agricultrices creusent leur sillon avec détermination. Leurs histoires, tissées dans le tissu du travail acharné et de la persévérance, tracent des sentiers nouveaux. Elles sont les architectes d’une révolution silencieuse souvent appelée « les invisibles » qui dépasse les barrages de genre, démontrant que la terre n’a pas de préférence basée sur la personne, mais accueille plutôt tous ceux qui sont prêts à labourer ses secrets.
Alors comment promouvoir une égalité des sexes dans un milieu souvent perçu comme masculin et encourager davantage de femmes à s’engager dans l’agriculture ? Comment les agricultrices deviennent-elles les actrices d’une transformation progressive du secteur et quel impact cette révolution a-t-elle sur la perception traditionnelle de l’agriculture ? Quels sont les obstacles spécifiques auxquels les femmes sont confrontées dans le milieu agricole, et comment peuvent-elles être surmontées pour assurer une participation équitable ?
Pour commencer, examinons quelques données chiffrées :
Les statistiques sur la participation des femmes dans les exploitations agricoles varient selon les pays, les régions et les méthodologies de collecte de données. En France, par exemple, selon le recensement agricole 2021 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), les femmes représentaient environ 29,5% des cheffes d’exploitations agricoles. (exploitantes ou co-exploitantes) Soit environ 121 400 Femmes, cheffes ou collaboratrices d’exploitation. Le secteur de la production agricole emploie 360 300 femmes ; un effectif en baisse de 5,6 % par rapport à 2020 et en recul de 8,2 % depuis 10 ans. Elles représentent 125 000 équivalents temps plein (ETP) et 35,7 % des salariés du secteur. Les femmes dans l’agriculture sont : cheffes d’exploitation, coexploitantes ou associées : 62% ; conjointes ou parentes du chef d’exploitation : 21% ; salariées : 17%.
La reconnaissance du rôle des femmes dans l’agriculture francaise : une route sinueuse
Jusque dans les années 60, les femmes d’agriculteurs, malgré leur participation active au fonctionnement des exploitations agricoles, n’avaient jamais de statut social et professionnel et n’étaient pas considérées comme des agricultrices. Il a fallu attendre 1980 pour que le statut de « co-exploitante » soit créé. Les femmes ont alors acquis le droit d’accomplir les actes administratifs nécessaires à la bonne gestion de l’exploitation. Mais la véritable avancée en matière de reconnaissance du travail agricole des femmes a vu le jour en 1985 avec l’apparition de l’EARL (exploitation agricole à responsabilité limitée). Les conjoints ont alors pu s’associer tout en individualisant leurs tâches et leurs responsabilités.
Les femmes ont bénéficié d’avancées majeures tendant à une égalité entre agricultrices et agriculteurs, mais aussi avec les salariées des autres professions. Parmi elles, 1999 et la création du statut « conjoint collaborateur », l’étendue de la couverture sociale pour les conjointes d’exploitants en 2006 et l’instauration du GAEC entre époux simplement en 2011. La LFSS (loi de financement de la sécurité sociale) pour 2019 a ouvert, à compter du 1er janvier 2019, aux exploitantes agricoles la possibilité de bénéficier d’indemnités journalières en cas de maternité, la durée minimale d’arrêt passe également à 8 semaines pour les congés maternité. Au-delà des droits, ce sont les mentalités qui évoluent.
La formation, mais pas que…
La part des femmes dans l’agriculture a ceci de surprenant que les filles sont très bien représentées dans les formations agricoles. Elles représentent 50% des effectifs dans l’enseignement technique agricole et 61% dans l’enseignement supérieur de la filière. On les retrouve dans les écoles d’ingénieur agro, où ce sont d’ailleurs celles qui comptent le plus de filles : 59% contre 23% pour l’ensemble des écoles d’ingénieur. Quant aux écoles vétérinaires, elles scorent carrément à 74% . Nous voyons par ces éléments que les femmes sont très intéressées par le milieu agricole. Mais derrière cela, un grand nombre de femmes changent de voies, après l’obtention de leurs diplômes, elles s’orientent vers les métiers de la transformation, auprès des filières agroalimentaires ou encore dans la fonction publique, sans parler des reconversions qu’elles peuvent faire pour aller vers d’autres métiers. A travers ces formations, les femmes trouvent un moyen de briser les barrières sociales, économiques, et culturelles, ouvrant ainsi la vie à un avenir plus prometteur et égalitaire. Cela leur permet de prendre une place légitime dans tous les aspects de l’agriculture.
Engagement féminin dans l’agriculture :
La participation des femmes dans ce domaine a joué un rôle crucial dans de nombreux aspects de l’agriculture. Par le biais, de la gestion, de la participation, de la transformation, de leur implication dans les différentes tâches auprès des animaux, des instances, des politiques et où leur compétence ne sont plus à démontrer. Les époques ont évoluées, abolissant le stéréotype de la femme confinée au rôle traditionnel de « menagère ». Les femmes ont toujours eu autant de compétences que leurs homologues masculins en matière agricole et c’est grâce à celles qui ont bravé les stéréotypes en occupant des postes stratégiques autrefois principalement masculins que de nombreux progrès en faveur des femmes dans l’agriculture ont été rendus possibles. Sans leur contribution, les conditions féminines actuelles dans ce domaine pourraient ne pas avoir atteint un tel niveau d’avancement.
Nous vous invitons à regarder le reportage d’Edouard Bergeon, intitulé « Femmes de la terre », déjà diffusé sur France 2 le 26 février, afin de découvrir leur parcours et les obstacles surmontés pour atteindre leur position actuelle.
Évolution et Défis : Le rôle croissant des femmes dans l’agriculture et les enjeux à surmonter
Les femmes se heurtent aujourd’hui encore à un nombre significatif d’inégalités. Ces disparités se manifestent à travers des entraves telles que l’accès limité aux financements, la sous-estimation de leur travail et les difficultés inhérentes à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Ces obstacles persistent en dépit du rôle fondamental que jouent les femmes dans le secteur agricole et des enjeux du milieu, en effet l’accès restreint aux financements limite les possibilités d’expansion des activités agricoles or on rappelle que l’on est passé de 2 millions d’exploitations après-guerre contre moins de 400 000 aujourd’hui. De plus, la manque de reconnaissance de leur travail ne fait qu’accentuer les inégalités, entravant le progrès vers une équité réelle dans le domaine agricole.
Fort heureusement, des initiatives de soutien émergent pour relever ces défis. Des réseaux de femmes agricultrices fournissent un espace propice à l’échange d’expériences et au renforcement mutuel. Parallèlement, des mesures politiques sont mises en œuvre pour promouvoir activement l’égalité des sexes dans l’agriculture, visant à éliminer les discriminations et à garantir un traitement équitable.
L’implication et la communication quotidienne des agricultrices installées, qui partagent leurs expériences en mettant en lumière la gratification qu’elles trouvent dans le métier d’agricultrices, jouent un rôle essentiel. Ces récits authentiques sont cruciaux pour sensibiliser le public, déconstruire les stéréotypes de genre et encourager d’autres femmes à s’engager fièrement dans une carrière agricole plus inclusive et équitable.
Et demain ?
Les professions agricoles connaissent une féminisation croissante, grâce aux femmes qui font progresser le milieu, coopèrent entre elles, expriment leurs compétences de manière plus affirmée et démontrent pleinement leur savoir-faire.
Néanmoins, le chemin vers une véritable égalité entre hommes et femmes dans le milieu agricole est encore long. De nombreux aspects de ce secteur demeurent marqués par une masculinisation persistante, se reflétant jusque dans les acronymes couramment utilisés (par exemple, JA pour Jeunes Agriculteurs, mais pourquoi pas Jeunes Agricultrices ?). Dans les divers concours, la présence féminine demeure limitée, que ce soit en participante ou même dans la composition des jurys. En ce qui concernent les instances et les coopératives, bien que des signes d’ouverture soient perceptibles et que certaines femmes aient eu l’opportunité de jouer un rôle clé, favorisant ainsi une évolution des mentalités et de leurs conditions, la question persiste : pourquoi si peu de femmes occupent-elles des postes représentatifs dans cette profession ? Quelles mesures peuvent être prises pour atteindre une parité dans le domaine agricole ?
Les femmes sont des actrices incontournables de l’agriculture française, apportant une contribution significative à la richesse et à la diversité du secteur. Reconnaître leur rôle, soutenir leur engagement, et promouvoir l’égalité des chances sont des étapes essentielles pour garantir un avenir durable et prospère pour l’agriculture française. Simplement dire qu’elles sont extraordinaires dans ce monde, et qu’elles sont aussi notre avenir. Les agriculteurs et agricultrices contribuent de manière égale à la croissance et à la réussite de l’agriculture française, ainsi il est temps de mettre en avant l’importance de l’égalité entre hommes et femmes dans ce domaine.
Mickaël JIQUEL – Négociateur Vendée